ALLIANCE INTERNATIONALE DES RÉCUPÉRATEURS

L'Alliance Internationale des Récupérateurs est une union de organisations de récupérateurs représentant plus de 460 000 travailleurs dans 34 pays.
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Indian waste pickers with Brazilian waste pickers

Le Sommet des peuples : une vague dynamique et tentaculaire de mouvements sociaux dans toute leur gloire. Des tentes blanches bourdonnant d’activités politiques et dénonçant une fausse économie verte, qui encourage la pollution et la marchandisation des ressources naturelles, s’étendent sur des kilomètres de parc public situé près du centre-ville.

La Conférence des Nations Unies sur le développement durable : organisée loin du centre-ville, exigeant une accréditation officielle et débordant de délégués internationaux en costumes élégantes

Lors de la conférence Rio + 20 et du  Sommet des peuples tenu en parallèle, les récupérateurs du MNCR (Mouvement national des récupérateurs de déchets du Brésil) ont tenu un flux constant d’activités dans leur espace-événements, une tente au Sommet des peuples. Au menu de certains événements, il y avait une session plénière sur la fermeture des décharges à ciel ouvert à Rio de Janeiro et dans tout le Brésil, une présentation traitant des aspects juridiques de la Politique nationale sur les déchets, entérinée dans la loi en 2010, et des groupes d’experts sur la résistance aux incinérateurs dans le monde entier.

Au cours d’un forum d’experts analysant les contextes nationaux et mondiaux pour les récupérateurs, les leaders venus de l’Inde, de la Colombie, du Nicaragua, de la République dominicaine et de l’Uruguay ont fait partager leurs expériences aux récupérateurs brésiliens.

« La politique nationale sur les déchets a changé beaucoup de choses », a déclaré Alex Cardoso, un des leaders du MNCR chargé de l’analyse nationale. Les récupérateurs sont devenus plus visibles dans les médias et ailleurs, mais l’impact négatif est que les grandes entreprises profitent aussi de la situation et gagnent de  plus en plus du terrain. L’industrie de l’incinération est devenue plus forte et maintenant les récupérateurs se battent avec acharnement contre elle. »

Cardoso a parlé du nombre choquant de décharges à ciel ouvert encore dans tout le Brésil. Dans le nord-est du Brésil seulement, il y en a 1 750, et des milliers de personnes y tirent leurs moyens de subsistance : « Il faudra, dit-il, chercher à déterminer le nombre de récupérateurs qui travaillent dans ces décharges. La majorité d’entre eux sont des femmes, dont beaucoup s’occupent aussi des enfants. »

Dans son analyse finale, Cardoso estime que la politique nationale sur les déchets peut être « un lit de roses », si les récupérateurs se battent pour qu’elle le devienne, ou, au contraire, « une mer de requins ».

Silvio Ruiz, de l’ARB (Asociación de Recicladores de Bogotá) basé en Colombie, a dressé le contexte des récupérateurs latino-américains. « Ce qui nous préoccupe, c’est la fermeture des décharges à ciel ouvert [sans que soient pris en compte les travailleurs qui y tirent leurs moyens de subsistance], la privatisation des déchets ainsi que le recyclage et la mise à l’écart des récupérateurs par les industries. »

Lucia Fernandez a donné un aperçu de la situation des récupérateurs à travers le monde. Elle a montré la lettre d’information en Afrique où les organisations des récupérateurs ont été recensées par WIEGO dans plus de huit pays. Le niveau d’organisation varie considérablement, mais les défis, dit-elle, restent les mêmes : « la fermeture des décharges se poursuit dans le monde entier et les récupérateurs doivent s’organiser pour faire partie des nouveaux systèmes ».

Sushila Sabale, membre de l’Alliance indienne des récupérateurs, qui travaille comme récupératrice depuis qu’elle avait dix  ans, a souligné la nécessité absolue pour les récupérateurs de s’organiser s’ils veulent avancer. Sa coopérative travaille vers l’objectif Zéro déchets et l’inclusion des récupérateurs dans le système de gestion des déchets solides. Cela comprend les soins de santé, l’éducation, le counseling et la fin du travail des enfants.

Au Centre de convention  des Nations Unies

Ces idées ont également été présentées au Centre de convention de l’ONU, Rio Centro, où la délégation des récupérateurs a parlé de la réalisation de l’objectif Zéro déchets d’une manière socialement inclusive. Cet événement parallèle officiel a également vu intervenir des représentants syndicaux, des défenseurs de l’environnement, des autorités locales et leaders communautaires de même que des experts de la gestion des déchets solides. Les systèmes inclusifs de zéro déchets sont une solution de rechange aussi bien aux décharges et aux incinérateurs qu’à la privatisation du système de gestion des déchets.

Giomar Santos, une des chefs de file du  MNCR et récupératrice elle-même, est engagée dans la lutte contre un incinérateur dans la municipalité de São Bernardo, près de la ville de São Paulo. Les sociétés disent parfois que les incinérateurs sont une solution au problème des déchets dans le monde entier et que les incinérateurs ne produisent pas de déchets. Ce n’est pas vrai, explique Santos.

« L’incinérateur, dit-elle, privera les récupérateurs de matériaux recyclables. Nous sommes aussi extrêmement préoccupés par la pollution qu’il va provoquer à São Bernardo et dans les communautés environnantes. »

Mariel Vilella, responsable de campagne de GAIA sur le climat, a présenté la publication la plus récente de GAIA, intitulée « The road to Zero Waste » (La route vers zéro déchets), qui comprend des études de cas des stratégies de zéro déchets mises en œuvre dans les quatre coins du monde. Dans sa présentation, Vilella dénoncé le fait que le texte de Rio + 20 appuie la production d’énergie à partir de déchets comme étant égale à la prévention, à la réutilisation et au  recyclage des déchets.

« Le zéro déchets suppose une nouvelle orientation loin de l’élimination des déchets, dit-elle. Tout soutien accordé à l’incinération ou à la mise en décharge fera obstacle non seulement à la réduction, à la réutilisation et au recyclage des déchets, mais privera aussi les récupérateurs des moyens de subsistance. La déclaration de Rio + 20 ne doit pas légitimer ces fausses solutions. »

Jyoti Mhapsekar et Stree Mukti Sanghatana ont parlé du système de zéro déchets qui a été adopté à Mumbai, en Inde. Là, les récupératrices ont été formées dans le compostage et la production de biogaz.

« Il ne suffit pas de faire un sermon sur l’environnement. Nous devons joindre le geste à la parole », dit-elle.

Alexa Kielty, qui travaille au Département de l’environnement de San Francisco, aux Etats-Unis, explique comment les résidents y sont désormais tenus de faire du compostage depuis l’adoption d’une ordonnance de compostage universel en vertu de laquelle, depuis 2009, un système à trois poubelles a été mis en place : un pour les ordures, un pour les matières recyclables et un pour les déchets organiques. « Moins qu’ils produisent de déchets, moins ils paient pour faire évacuer leurs ordures. Le système doit fonctionner comme un service public », dit-elle.

Pour Silvio Ruiz, les récupérateurs doivent participer prioritairement à la fourniture des services de recyclage municipaux. « Nous croyons, a-t-il affirmé, que les entreprises privées doivent traiter et gérer les déchets, mais n’ont pas besoin de s’occuper des matériaux recyclables, parce qu’il y va de nos moyens de subsistance.

« Le recyclage informel a commencé il y a 150 ans et, avant même que la société se soit pas mise à y penser, nous faisions du recyclage. Nous avons souffert de la discrimination et de la violence voulue par les mesures d’évacuation et avons pu trouver une manière digne de survivre grâce aux déchets. »