ALLIANCE INTERNATIONALE DES RÉCUPÉRATEURS

L'Alliance Internationale des Récupérateurs est une union de organisations de récupérateurs représentant plus de 460 000 travailleurs dans 34 pays.
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Country France

août 09, 2014


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Marché des biffins
Written by Asso Amelior. 08/09/2014
image: Asso Amelior.

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Marché des biffins samedi 9 aout de 7h à 20H sous la halle du marché croix de chavaux à Montreuil Venez nombreux pour soutenir l’artisanat de la petite redistribution ! plus de 200 récuperateurs vendeurs biffins présents!

tribune de l’Asso AMELIOR suite à l’interview du commissaire du 20eme dans le 75020.fr

http://le75020.fr/paris-XXe-75020-20e-arrondissement/vie-locale/police-vie-locale/65272-serge-quilichini-commissaire-du-20e-on-tient-larrondissement.paris-75020-info#.U8PVNagkH1w

tribune de l’association AMELIOR (1):

Il existe, dans le 20e arrondissement de Paris, une communauté de biffins récupérateurs-vendeurs, à proximité du marché aux puces de la porte Montreuil dont chacun connaît l’existence. Ce marché, aujourd’hui de délégation de service public, doit sa création en 1860 à la présence des chiffonniers biffins parisiens dans ce qui s’appelait à l’époque « la zone ». Cette corporation de travailleurs en charge du recyclage des matériaux, reconnue depuis le Moyen-Âge, était en effet chassée du centre de Paris vers ses portes, où les biffins basèrent leur activité. Collaborant avec les artisans, les entreprises et l’industrie, ils parvenaient à ces objectifs économiques que nous appelons aujourd’hui zéro déchet, développement durable, économie sociale et solidaire ou encore économie circulaire.

Lorsque la gestion des déchets devint, avec les prérogatives du préfet Poubelle en 1884, communale, certains biffins se professionnalisèrent et devinrent puciers, fripiers-brocanteurs ou antiquaires. Cette invention des marchés aux puces fut suivie de celles des vides greniers, des brocantes, des sites de vente en ligne ou des ressourceries et recycleries subventionnées. Ainsi, les communautés d’Emmaüs de l’Abbé Pierre ne se sont lancées dans l’activité de « bric à brac » qu’après 1951, sous l’impulsion des biffins.

Depuis quelques années, le marché aux puces de la porte Montreuil dans le 20eme arrdt est confronté à une problématique tout à fait « spécifique », à savoir qu’il n’y est pas aménagé d’espace de vente organisé pour les biffins. C’est pourtant le cas des deux autres marchés aux puces parisiens : aux puces de St Ouen, on trouve en effet le Carré des biffins, organisé par l’association Aurore à la porte Montmartre, et soutenu par la mairie de Paris et la mairie du 18eme (2). Aux puces de Vanves, la mairie du 14eme expérimente un espace porte Didot. Ce droit à la biffe est pourtant refusé aux biffins du 20eme arrondissement. Cela constitue une injustice du point de vue de l’égalité des territoires et de l’accès au droit individuel, pour des personnes déjà précaires, rejetées de la pauvreté vers la misère, et exposées à la violence de la répression, au harcèlement policier et parfois à la destruction de leurs biens. Politique injuste et coûteuse qui dure, malgré les revendications des biffins, depuis plus de 5 ans. De nouveaux fonctionnaires de police ne cessent d’être mobilisés sur cette zone, et la location par la mairie de Paris de camion-bennes d’une société privée depuis 2010 coûte à elle seule 180 000 euros par an (3).

Ainsi, depuis des années, les biffins sans place voient leur conditions de travail se dégrader, du fait de cette absence de volonté politique de mener une action sociale. Alors que le chômage et la précarité ne cessent d’augmenter, ils sont contraint de « vendre a la sauvette » leurs produits issus de la récupération. Pourtant, comme l’Abbé Pierre l’avait bien compris, la biffe permet de lutter contre la pauvreté, et contribue à réduire le gaspillage et la pollution. Ces objets proviennent en effet souvent du glanage sur la voie publique, ou encore de dons ou de possessions privées. Comme le souligne le commissaire du 20eme, « les marchandises des vendeurs à la sauvette sont rarement des choses recellées. C’est de la récupération. »

La gestion policière de la rue Lucien Lambeau, consistant à essayer de « contenir » le marché des biffins « à la sauvette », n’a jamais apporté d’autre résultat que le déplacement de ces marchés, leur « dilution », en effet, dans les rues adjacentes, ou vers les quartiers de Belleville et Barbès-Rochechouart, parfois vers la ville de Bagnolet. L’absence de poubelles, de toilettes, de ramassage public des déchets en fin de journée, d’organisation du placement… Sont causes de nombreuses plaintes totalement justifiées des riverains, ainsi que des biffins eux-mêmes, puisque leurs conditions de vies et de travail sont rendues extrêmement difficiles et dangereuses. C’est donc ce type de gestion qui installe durablement ces problématiques. En 2010, l’ancien préfet Michel Gaudin assurait devant le Conseil de Paris qu' » il faut également que l’on aboutisse à une forme de régulation », et demandait « faut-il déterminer de nouveaux emplacements réservés à ces activités ? ». En 2012, l’étude régionale sur les biffins viendra répondre positivement à cette question (4). Notre expérience dans l’organisation de marchés des biffins confirme cette réponse.

En effet, l’association AMELIOR s’est créée en 2012 autour de biffins qui réclament une véritable place en ville. Après avoir participé à de nombreux vides greniers et expérimenté un petit marché hebdomadaire d’une quarantaine de places durant plusieurs mois, l’association organise depuis mars 2013 un marché des biffins tous les mois sous la halle couverte du marché Croix de Chavaux à Montreuil. Les biffins adhérents ne vendent que de la récup’, participent à la bonne tenue et au nettoyage du marché, en lien avec les services de propreté de la Ville. « Aux côtés de l’association Amelior, la ville de Montreuil entend lutter contre les exclusions donnant un cadre légal à l’activité des biffins, qui contribuent à la valorisation ou au recyclage des objets qu’ils récupèrent. » (5)
Dans le cadre de cette gestion associative faite par des bénévoles et les biffins eux-mêmes , certains des élus d’arrondissements et du conseil de Paris sont venus rencontrer les biffins et constater la réussite d’une gestion inclusive et respectueuse des riverains, des biffins et de leurs activités. Les problèmes d’hygiène, de sécurité et d’aménagement de l’espace public sont précisément ceux que vient résoudre l’organisation collective.

L’organisation de la gestion des déchets, allant de la collecte des ordures ménagères et des encombrants à l’incinération – pour laquelle le contribuable paie des taxes – est elle-même à redéfinir. Les biffins luttent contre le gaspillage par la récupération, en amont de la collecte municipale, de biens abandonnés, « res nullius » qu’ils ne prennent à personne, mais qu’ils sauvent de l’incinération. Ils les remettent dans le circuit économique en les déballant sur l’espace public, permettant à leurs acheteurs de s’équiper à bas coût, et trouvant là le moyen de vivre dans des conditions décentes, respectueuses de l’accès aux droits fondamentaux et de la dignité humaine. A ce titre, les biffins et leurs acheteurs, acteurs historiques de l’économie du recyclage et de l’occasion, ainsi que les habitants des quartiers dans lesquels ils exercent, méritent respect et soutien, plutôt que l’abandon social, le dénigrement, le déni de droits, l’exclusion systématique et l’oppression dont ils sont victimes. La nécessité d’inventer un statut pour les biffins est une évidence (6)

Tout le monde s’entend à dire que la répression policiere est inefficace dans le temps, injuste humainement et coûteuse pour les deniers publics; que la pauvreté n’est pas un crime, que l’injustice est un scandale… Ce bel accord doit se concrétiser, surtout quand des solutions existent et qu’elles ont fait leurs preuves.
Nous appelons la maire de Paris Mme Anne Hidalgo et ses adjoints élus au Conseil de Paris ou en Conseil d’arrondissement, en charge de la lutte contre l’exclusion, de l’espace public, du commerce, de l’économie circulaire et de la propreté, à prendre d’urgence leurs responsabilités concernant les biffins habitants et exerçant à Paris (7).

Nous invitons M. le commissaire du 20eme arrdt et Mme la maire du 20e arrdt, ainsi que tous les acteurs et collectivités concernés, à se réunir autour d’une table ronde pour libérer ce métier, utile à la cohésion sociale et à l’économie du recyclage.

Association Amelior, lundi 14 juillet 2014

(1) Association des Marchés Economiques Locaux Individuels et Organisés du Recyclage http://amelior.canalblog.com/.

(2) http://www.mairie18.paris.fr/mairie18/jsp/site/Portal.jsp?page_id=825
(3) http://www.leparisien.fr/espace-premium/paris-75/combien-coute-la-repression-des-biffins-05-03-2013-2616519.php
(4) http://www.mipes.org/IMG/pdf/Synthese_biffins_lot_2_4_juin_2012-2.pdf
(5) http://amelior.canalblog.com/archives/2014/02/06/29132216.html et http://www.montreuil.fr/grands-projets/lagenda-21/appel-a-initiatives-pour-une-ville-durable/
(6)http://aurore.asso.fr/publications/Bull95/files/assets/basic-html/page1.html
(7) http://manonloisel.blog.lemonde.fr/2012/11/04/joelle-et-gisele-biffines-de-la-porte-de-montreuil/